Le Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Claver Gatete, a souligné le besoin urgent d’établir un écosystème africain de notation de crédit qui « reflète les réalités régionales de l’Afrique et complète, plutôt que de simplement imiter les agences mondiales ».
S’exprimant lors d’un événement de dialogue de haut niveau organisé conjointement par le MAEP, le PNUD, AfriCatalyst, l’ACET et l’Open Society Foundations en marge des réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Washington DC, il a souligné que les pays africains ne devraient pas être simplement des sujets passifs de notation, mais des architectes actifs de leurs propres récits de crédit.
« Un écosystème de notation de crédit africain est essentiel pour réformer le système financier mondial afin de mieux servir les diverses économies du continent », a-t-il ajouté.
M. Gatete a posé une question pour illustrer l’échec du système financier actuel, demandant : « Pourquoi, malgré la présence de 54 nations et un PIB combiné de 3 000 milliards de dollars, seuls le Botswana et l’île Maurice détiennent-ils des notes de crédit de qualité investissement ? » La réponse, a-t-il soutenu, réside dans un système financier qui ne parvient pas à reconnaître les défis et les opportunités uniques de l’Afrique.
Gatete a également souligné le paradoxe auquel l’Afrique est confrontée : alors que le continent est riche en potentiel, se targuant de populations dynamiques, de marchés en expansion et d’innovation, de nombreux pays sont confrontés à des vulnérabilités croissantes en matière d’endettement et à des coûts d’emprunt en hausse.
Il a souligné que les pays africains ont été soumis à des notations de crédit injustes, fondées sur des données limitées et des critères incohérents, ce qui entraîne souvent des coûts d’emprunt plus élevés et un accès limité aux capitaux. Par exemple, les pays africains ont payé en moyenne 12 à 14 % sur les euro-obligations, un taux nettement supérieur à la moyenne de 3 % de la zone euro.
Pour résoudre ces problèmes, Gatete a proposé cinq mesures concrètes pour établir un écosystème de notation de crédit crédible et efficace, adapté aux réalités de l’Afrique :
« Premièrement, nous devons créer un écosystème africain de notation de crédit qui reflète les réalités régionales de l’Afrique et qui soit complémentaire, plutôt que de se contenter d’imiter, des agences mondiales. Cet écosystème doit être au service de l’Afrique, dirigé par les Africains, informé par les Africains et crédible à l’échelle mondiale », a-t-il déclaré.
Deuxièmement, nous devons renforcer nos systèmes de données et équiper les bureaux nationaux de statistique, les bureaux de crédit et les observatoires régionaux pour qu’ils fournissent des données opportunes, détaillées et riches en contexte.
Troisièmement, nous devons construire un cadre réglementaire solide, inspiré des meilleures pratiques internationales telles que le modèle européen, où les actions de notation suivent un calendrier transparent et prévisible.
Quatrièmement, nous avons besoin d’une collaboration intersectorielle, impliquant notamment les émetteurs souverains, les investisseurs, les régulateurs et les partenaires internationaux, tous travaillant en harmonie. Un système de notation performant doit être supérieur à la somme de ses parties.
Cinquièmement, et c’est le plus important, nous devons renforcer les capacités nationales de l’Afrique en dotant les professionnels africains de l’expertise technique et des institutions nécessaires pour mener des analyses de crédit basées sur les réalités propres à l’Afrique.
M. Gatete a également souligné l’importance de la collaboration, affirmant que la CEA s’engage à collaborer avec des organisations comme le MAEP, le PNUD, AfriCatalyst et l’Open Society Foundations pour concrétiser cette vision. Il a noté que le climat politique actuel, notamment la présidence sud-africaine du G20 et le statut de membre permanent de l’Union africaine, offrent à l’Afrique une occasion unique de plaider en faveur de réformes qui reflètent les expériences vécues sur le continent.
Dossou AFFAMA
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