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Fuites financières en Afrique : les multinationales détournent 275 milliards $ supplémentaires

L’Afrique est confronté à une énorme fuite financière qui le privent de financements indispensables à la santé, à l’agriculture, à l’éducation et aux infrastructures. Comme auteurs de ce chaos, les spécialistes pointent du doigt, des acteurs internationaux, un réseau de facilitateurs et des profiteurs, comprenant notamment des multinationales et des cabinets juridiques et comptables.

Les ressources africaines sont pillées par des actes de collusion. La fuite des capitaux affaiblit la capacité des économies à financer des projets de développement afin de créer des emplois, réduire la pauvreté et générer davantage d’opportunités en termes d’éducation et de santé.

Dans son rapport « Perspectives économiques en Afrique 2025 » (PEA 2025) publié mardi 27 mai 2025, le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) révèle que l’Afrique a accusé environ 587 milliards de dollars de fuites financières en comparaison avec les 190,7 milliards de dollars d’entrées financières enregistrées en 2022. « Sur ce total, environ 90 milliards de dollars ont été perdus à cause de flux financiers illicites, 275 milliards supplémentaires ont été détournés par les multinationales qui transfèrent leurs bénéfices, et 148 milliards de dollars ont été perdus à cause de la corruption », indique le document de la BAD.

Lors d’une conférence de presse organisée en marge de la 11e session du Forum régional africain sur le développement durable, Jason R. Braganza, Directeur Exécutif du Forum africain et du réseau sur la dette et le développement (AFRODAD) explique que les flux financiers illicites se produisent à la fois par des moyens licites et illégaux de faire des affaires en Afrique. « Cela se voit dans la manière dont les multinationales s’organisent sur notre continent. Par exemple, lorsque nos gouvernements offrent des incitations pour les investissements directs étrangers ou pour que les multinationales s’installent, beaucoup de ces entreprises ont des filiales ou créent des sociétés spéciales dans des juridictions à faible imposition. Ces entreprises pratiquent la planification fiscale, déplaçant des profits vers ces juridictions à faible imposition et évitant les impôts dans de nombreux pays africains, alors que les taux d’imposition des sociétés tendent à être assez élevés sur le continent, moyennant entre 25 % et 30 % », explique-t-il. Il précise que ces multinationales s’établissent dans des juridictions à faible imposition (des paradis fiscaux), offrant des impôts presque nuls sur les profits, déplaçant ainsi leurs revenus vers ces juridictions où ils ne sont pas imposables.

Selon Jason R. Braganza, une autre dimension des flux financiers illicites réside dans la manière dont les entreprises échangent et effectuent des transactions les unes avec les autres à travers la tarification de transfert : deux entreprises qui font partie d’une plus grande corporation échangent entre elles et attribuent des coûts différents selon la juridiction de l’entreprise.

L’autre façon courante où les flux financiers illicites sont organisés par les multinationales concerne le secteur extractif et des ressources naturelles. Dans une large mesure, dira le Directeur Exécutif d’AFRODAD, l’évaluation de ce qui existe dans notre secteur des ressources naturelles est souvent sous-estimée. La manière dont les entreprises opèrent dans ce secteur tend à aboutir à une sous-évaluation lors de la découverte ou de l’extraction de ressources, et ensuite à une surévaluation lors de leur tarification et de leur exportation hors du continent.

En combinant ces pratiques, environ 80 à 90 milliards de dollars quittent le continent chaque année.

Un énorme potentiel de ressources nationales à exploiter

Des mesures urgentes sont nécessaires pour lutter contre les fuites de ressources et mieux profiter des ressources nationales. Les Perspectives économiques en Afrique 2025 estiment qu’avec des politiques appropriées, l’Afrique pourrait mobiliser 1 430 milliards de dollars supplémentaires de ressources nationales provenant de sources fiscales et non fiscales, uniquement grâce à des gains d’efficacité. Selon Kevin Urama, économiste en chef et vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement « lorsque l’Afrique allouera efficacement son propre capital (humain, naturel, fiscal, commercial et financier), les capitaux mondiaux suivront les capitaux africains pour accélérer les investissements dans les secteurs productifs du continent. »

Les ressources extraordinaires, mais sous-exploitées de l’Afrique comprennent :

Le capital naturel : l’Afrique abrite 30 % des réserves minérales mondiales et pourrait capter plus de 10 % des 16 000 milliards de dollars de revenus prévus avec les principaux minéraux verts d’ici à 2030.

Le capital humain : l’âge médian de 19 ans sur le continent représente un dividende démographique qui pourrait ajouter 47 milliards de dollars au PIB africain grâce à une meilleure participation de la main-d’œuvre.

Le capital financier : les actifs des fonds de pension ont atteint 1 100 milliards de dollars, tandis que les transferts de fonds officiels pourraient atteindre 500 milliards de dollars d’ici à 2035 si les coûts de transfert sont réduits.

Le capital commercial : la mise en œuvre intégrale de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait accroître les exportations de 560 milliards de dollars ainsi que les revenus du continent de 450 milliards de dollars d’ici à 2035.

Pour Jason R. Braganza, la gestion des flux financiers illicites devient un enjeu significatif car, il s’agit d’un énorme problème qui contribue à créer des déficits sur le continent, forçant les gouvernements à emprunter. « A chaque année, si nous perdons près de 80 milliards de dollars, c’est de l’argent que les gouvernements africains doivent trouver par le biais de la fiscalité, principalement à travers des taxes régressives. Les opportunités qui en découlent doivent être très spécifiques en termes d’interventions au niveau national, mais aussi cohérentes en termes d’un ensemble d’interventions coordonnées à l’échelle continentale », précise-t-il. Cela dit, il existe des opportunités et des initiatives prises pour freiner les flux financiers illicites, telles que la transparence accrue et la surveillance, la propriété bénéficiaire pour identifier les véritables propriétaires d’entreprises, et l’exigence de publier des comptes de profits et pertes par les entreprises minières. Toutefois, les pays qui sont les destinations de ces flux ont également un rôle à jouer pour les prévenir et aider l’Afrique à rapatrier les capitaux illicites et à poursuivre les auteurs.

Félicienne HOUESSOU

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