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Atelier d’orientation parlementaire : Un pas crucial vers la reconnaissance du travail domestique non rémunéré

Un Atelier d’orientation parlementaire sur la question souvent négligée du travail domestique non rémunéré et de l’économie de soins s’est tenu vendredi 17 octobre 2025 à l’Azalai Hôtel de Cotonou. Cette initiative vise à sensibiliser et outiller les députés béninois pour qu’ils puissent intégrer ces enjeux fondamentaux dans leurs travaux législatifs et de contrôle de l’action gouvernementale.

Organisé dans un contexte où la valorisation du rôle des femmes et des hommes dans la sphère domestique et l’économie de soins devient une priorité mondiale, l’atelier a réuni une centaine de parlementaires, des experts nationaux et internationaux, ainsi que des représentants d’organisations de la société civile.

L’objectif principal est de doter les parlementaires des outils nécessaires pour plaider en faveur de lois et de budgets qui favorisent la réduction de la charge de travail, la redistribution des responsabilités entre les sexes, et la reconnaissance de ce travail essentiel. Ainsi, les discussions ont mis en lumière l’impact macroéconomique souvent sous-estimé du travail domestique non rémunéré, qui constitue un pilier invisible du développement national.

Pour Aissata Fall, Représentante de Population Référence Bureau, cette rencontre est historique car, depuis plusieurs années les experts travaillent à rapprocher la recherche économique, de la démographie. « Voir la demande venir directement de la sphère politique de l’Assemblée nationale du Bénin est pour nous un véritable abourtissement. C’est le signe que la recherche francophone africaine trouve sa place dans le débat public et qu’elle est reconnue comme un outil d’essentiel d’éclairage et de décisions dans le cadre du travail de soins et en particulier le travail de soins domestique non rémunéré », a-t-elle indiqué. Et de pousuivre, « ce travail permet aux familles de vivre. Il permet aux enfants d’apprendre. Sans ce travail, il n’y a pas d’économie, pas d’éducation, pas de développement durable ».

Le professeur Latif Dramani, Président coordonnateur du consortium régional pour la recherche en économie générationnelle (CREG) souligne que le travail domestique et l’économie des soins désignent les activités essentielles qui permettent à notre société de fonctionner : « préparer les repas, faire le ménage, éduquer les enfants, s’occuper des personnes âgées ou malades, soutenir émotionnellement des proches… Ce sont des activités qui se font souvent dans l’ombre, sans contrat, sans salaire et sans connaissance sociale ». Il révèle que d’après les recherches, les femmes produisent en moyenne au Bénin 19h de travaux domestiques par jour pendant que les hommes produisent en moyenne 8h. Ces heures de travail ne sont ni comptabilisées dans le PIB, ni considéré dans les politiques publiques.

Pour une politique publique mieux informée, plus équitable et plus proche de la réalité des familles, l’honorable Kakpo Mahugnon, premier secrétaire parlementaire du Bénin, représentant du président de l’Assemblée nationale exhorte à reconnaître, à valoriser et à protéger le travail domestique et l’économie de soins. A l’en croire, c’est absolument rétablir une forme de justice économique et social. « Le travail domestique et l’économie de soins assurent la stabilité et le bien-être de nos foyers… Ils n’apparaissent jamais dans les statistiques économiques alors que ce travail constitue le véritable pilier de notre société », dira-t-il.

Les participants estiment qu’il est impératif que la législation et les politiques publiques reconnaissent officiellement et intègrent la valeur économique et sociale du travail de soins, majoritairement supporté par les femmes.

Fonton Edmonde, député à l’Assemblée nationale

La prise en compte de ce travail domestique non rémunéré est un travail qui vient à point nommé et qui va un temps soit peut contribuer à l’équilibre familiale dans nos communautés ; puisque vous savez la femme qui s’occupe des enfants à la maison, qui n’apporte pas le numéraire à la maison, nous savons comment elle est vu dans sa famille, comment elle est considérée dans son foyer. Je pense que la prise en compte de ce travail permettra d’améliorer la façon de percevoir la femme dans son rôle de mère de famille, de la femme au foyer.

Cela passe par la prise des lois. C’est pourquoi nous sommes là. Avant cette prise de lois, nous avons besoin de nous informer, de nous sensibiliser et de comprendre les problèmes qui se posent à nous parce que tout le monde n’est pas au même niveau d’informations. Il faut s’informer et il faut éduquer la génération à accepter le concept afin que tout le monde soit au même niveau de compréhension avant de faire passer des lois et des règlements. Ainsi nous pouvons adopter des textes qui correspondent à notre volonté et pour que la société se porte mieux.

Abdoulaye Gounou, député à l’Assemblée nationale

Je peux vous dire que c’est aujourd’hui que l’Assemblée nationale du Bénin commence par s’imprégner sur la thématique du travail domestique non rémunéré et en général de l’économie domestique. La suite c’est la procédure parlementaire. Pour la séance d’aujourd’hui, un compte-rendu complet détaillé clair sera fait au président de l’Assemblée nationale. Après nous allons certainement nous retrouver à la conférence des présidents avant de mettre le projet dans le tunnel de la plennière.

Le Bénin n’a pas une politique solitaire à mettre en œuvre. L’Union africaine (UA) a déjà élaboré une feuille de route pour les Etats. Les actions qu’on va mener vont tendre à faire adopter la feuille de route de l’UA. Le premier travail, c’est la reconnaissance. Il faut d’abord qu’on puisse reconnaître le travail domestique non rémunéré au plan législatif. A ce jour, aucun code de travail au Bénin n’en parle, à part quelques conventions de l’OIT. Il y a dejà des Etats comme le Sénégal, le Mali qui l’ont déjà reconnu et bientôt le Bénin et le Togo. Pour reconnaître, il faut avoir tous les mécanismes d’évaluation. La question n’est pas de payer nos femmes à la maison. C’est une entente en réalité pour leur reconnaître ce qu’elles font, redistribuer et rééquilibrer les tâches.

Maixent Djeigo, député à l’Assemblée nationale

Il y a une démarche pour obtenir l’accompagnement des députés en termes de l’élaboration ou de vote d’une loi. Il était important que les spécialistes, les experts viennent détailler la thématique pour faciliter l’entrer dans une démarche d’élaboration de loi ou de disposition de la République. Déjà au niveau du Bénin, nous sommes dans la période de la mise en œuvre de la vision à l’horizon 2060. Il est donc déterminant dans la formulation des dispositifs, des décisions, des decrets, des arrêtés ministériels, que cette question soit abordée.

Le débat à porter sur certains aspects qui vont permettre de ne pas confondre le travail domestique non rémunéré aux droits des travailleurs et travailleuses domestiques. Il faut faire la différence. Il s’agit de considérer que cet investissement que nous faisons en termes de temps peut être quantifié en termes de contribution à l’économie nationale. C’est un enjeu de développement social et de développement économique. Le temps s’investit comme de l’argent et quand on investit, on doit s’attendre à un retour sur investissement. Nous devons donc quantifier, montrer l’importance de ce secteur, légiférer et budgétiser.

Aissata Fall, Représentante de Population Référence Bureau

Cette réunion avec Assemblée nationale du Bénin a été très importante parce que c’est la toute première fois qu’il y a une demande de la sphère politique pour venir présenter des résultats de recherche visant directement la mise en place d’un document de politique tel qu’une feuille de route ou une note d’orientation parlementaire. Pour ma part j’ai présenté l’importance d’une feuille de route, l’importance d’intégrer le travail domestique non rémunéré dans les politiques publiques et de le reconnaître mais de passer de l’intention à l’action. C’est à dire planifier, mesurer et suivre l’évolution de la situation du travail domestique non rémunérés afin de pouvoir mieux budgétiser et le prendre en compte dans les politiques sociales.

Lors de l’atelier, il y a eu des réactions positives et intéressées. Il y a eu également des réactions de méfiance. Le sujet du travail domestique non rémunéré et est un sujet extrêmement sensible socialement parce qu’il touche au fonctionnement des familles. La réaction des députés béninois n’est pas différentes de celles que nous entendons dans d’autres pays. D’abord, la préoccupation de la majorité est s’il serait désormais question de payer les épouses pour ce qu’elles font. Ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est de dire parce que le travail domestique n’est pas rémunéré, ce n’est pas protégé. Toutefois, la solution n’est pas systématiquement de rémunérer. Il s’agit juste d’offrir des prestations sociales qui vont protéger ce qu’on appelle les aidants, ce qui aide. Donc la question n’est pas de rémunérer mais par contre d’avoir des avantages. Si vous ne savez pas qui garde vos enfants ou votre maman qui est malade, vous ne pouvez pas sortir travailler. Donc l’économie est bloquée.

La deuxième réaction est aussi assez classique : c’est un modèle importé. On vous dit que c’est un truc de Toubab. Mais lorsqu’on regarde nos chiffres, notre démographie, c’est de la recherche africaine avec des indicateurs qui ont été construits en réponse à l’engagement des pays africains pour la feuille de route de l’Union africaine. Ce sont des outils qui ont été créés par un centre de recherche africain, des économistes africains pour répondre pour aider les gouvernements des 55 États membres à tenir leurs engagements envers la feuille de route de l’Union africaine. Toutes les données qui sont présentées ont été validées par les gouvernements y compris au Bénin. Les analyses ont été faites suite à la demande du Bénin.  

Les réactions sont la preuve qu’on doit faire ce genre de travaux pour expliquer et démystifier les fausses idées. La suite revient aux honorables députés. Nous sommes des techniciens, donc nous présentons des faits avec des explications. L’idée c’était aussi de donner l’envie et de faire comprendre qu’il y avait un problème à gérer. Le but des explications c’était de montrer où sont les responsabilités et de dire qu’il y a des réalités qui ne font pas plaisir ; mais nos sociétés ont changé et il y a des conséquences. C’est de la question n’est pas d’adopter une feuille de route tout de suite, mais, de savoir que la réflexion est amorcée. La conversation va continuer et ça appartient aux honorables députés parce qu’ils sont décideurs.

Mariama Baba Moussa Soumanou, présidente du conseil d’administration de l’ONG association d’aide au développement des femmes du Bénin

L’ONG porte le projet ‘’soutenir l’élaboration de politique fondée sur les données probantes en matière de travail de soins non rémunérés pour l’équité Inter générationnelle au Togo et au Bénin’’. C’est un projet innovant dont l’objectif est de sensibiliser et d’éclairer les décideurs politiques, notamment les parlementaires, les cadres des ministères sectoriels, les institutions telles que l’INF, les organisations de la société civile, notamment les organisations de défense des droits de des femmes. Ces organisations doivent pouvoir être éclairées pour que le travail domestique non rémunéré soit pris en compte dans les politiques publiques et inséré dans les agrégats nationaux tels que le produit intérieur brut. Donc démarré en octobre 2024, nous avons dans un premier temps cherché une dizaine d’ONG locales pour porter le projet avec nous. Ensuite, il y a eu des ateliers d’appropriation, de cadrage, de lancement au plan national et puis une formation pour nous donner une boîte à outils en matière de stratégie de communication.

Le travail domestique non rémunéré est un travail invisible. A priori les gens ne comprennent pas. Ils pensent qu’il est question de payer les femmes au ménage. Non, il est question de prendre en compte toutes ces femmes qui travaillent de façon invisible. Il est question aussi de valoriser la femme. Dans ce cadre, nous avons échangé avec les parlementaires et aujourd’hui je pense qu’ils connaissent désormais les défis à relever. L’étape à suivre, c’est d’aller vers une feuille de route.

Félicienne HOUESSOU

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