Les pays africains s’unissent et s’engagent afin de s’attaquer à la crise de la dette, un phénomène qui gangrène les économies avec un fort impact sur les citoyens du continent. C’est autour de cette cause noble que la Commission de l’Union Africaine et ses partenaires ont réuni à Lomé, Togo, cadres et dirigeants à divers niveau, dans l’objectif de tracer la voie à suivre pour le continent et de proposer des solutions à la fois nationales, régionales et internationales. Ayant pris part à cette première conférence sur la dette africaine, Jason R. Braganza, Directeur Exécutif, AFRODAD revient sur les différentes propositions, lors d’une conférence zoom avec les professionnels des médias.
La conférence panafricaine sur la dette et la durabilité de la dette a mis sur la table, les défis internes liés à la crise. L’un de ces défis est d’avoir une position commune sur la restructuration de la dette et le processus de restructuration de la dette actuel dans le cadre commun. Selon Jason R. Braganza, bien que le cadre commun ait été établi pour faire face à l’urgence de la pandémie COVID-19, dans le monde d’aujourd’hui et dans l’environnement économique et politique actuel, il n’est peut-être pas complètement adapté à son objectif. Cependant, plusieurs alternatives s’offrent au continent. L’une d’elles est de plaider pour et d’avancer l’appel à un mécanisme de restructuration de la dette souveraine sous l’égide des Nations Unies.
« Il s’agit d’un processus intergouvernemental, actuellement en cours de négociation dans le cadre de la 4e Conférence Internationale sur le Financement du Développement (FfD4). C’est actuellement en négociation pour faciliter l’établissement du mécanisme de restructuration de la dette souveraine », explique Jason R. Braganza. Et de poursuivre : « nous, en tant que société civile, encourageons les États membres du Groupe Africain et ceux des petits États insulaires en développement à plaider pour une Convention-cadre des Nations Unies sur la dette souveraine ».
Une ambition collective est ressortie de cette conférence panafricaine ; celle de réformer l’architecture financière mondiale. Car, sans une réforme profonde de l’architecture financière internationale, l’Afrique ne pourra pas tirer parti de ses ressources internes et de son potentiel économique. En démystifiant ce défi et en posant les bases d’une réforme mondiale, la conférence ouvre la voie à une gestion plus souveraine et durable des finances publiques.
Enjeux et défis du cadre commun du G20
Un cinquième pays est sur le point d’entrer dans le cadre commun du G20, à savoir la Côte d’Ivoire. Cette nouvelle entrée s’annonce inquiétant selon Jason R. Braganza qui rappelle que le pays a été salué au début de l’année 2024 comme étant l’indicateur montrant que le marché des obligations euro était de nouveau ouvert et que les marchés de capitaux reprenaient leurs activités sur le continent. La Côte d’Ivoire est actuellement impliquée dans le cadre commun du G20, plus précisément dans l’initiative « Compact avec l’Afrique », qui vise à renforcer les investissements privés et à favoriser le développement économique durable en Afrique. Ce cadre a pour objectif d’améliorer le cadre réglementaire et macroéconomique des pays africains, d’améliorer le climat des affaires et de mobiliser les investissements privés, tant nationaux qu’internationaux.
Pour le Directeur Exécutif, AFRODAD, cette annonce a une double signification. La première est que dès qu’un pays décide qu’il doit restructurer sa dette et fait une demande dans le cadre commun du G20, la punition immédiate est que les agences de notation crédit déclassent ces pays. « Nous avons vu cela se produire en Zambie, au Ghana et en Éthiopie. Lorsqu’une agence de notation de crédit dégrade un pays, le coût de l’emprunt sur les marchés de capitaux internationaux augmente, car les prêteurs internationaux réduisent leur confiance dans la capacité du pays à rembourser », indique-t-il.
La deuxième, ajoute Jason R. Braganza, pour suivre pleinement le processus du cadre commun, un pays doit avoir un programme du Fonds monétaire international (FMI) en place, ce qui pose des défis. En général, avec les programmes du FMI, surtout en matière de restructuration de la dette, un pays doit entreprendre des réformes fiscales, une consolidation fiscale ou une austérité fiscale. Cela alloue des ressources aux services publics ou aux secteurs productifs et augmente souvent les impôts, en particulier les taxes sur la consommation et les impôts directs, affectant ainsi l’ensemble de la population.
Ces préoccupations expliquent pourquoi très peu de pays ont choisi d’opter pour le cadre commun du G20 et pourquoi la conférence sur la dette a clairement indiqué que le contexte et l’applicabilité du cadre commun du G20 en ce qui concerne la crise de la dette en Afrique ne sont pas conviviaux et ne vont pas aider les pays africains à résoudre leurs problèmes de dette. Le défi majeur est que le cadre commun est largement dominé par les créanciers, forçant les pays à garantir que les créanciers seront payés.
En effet, la Convention-cadre des Nations Unies sur la dette souveraine, qui est proposée dans le cadre du 4e processus de financement pour le développement, appelle à un processus intergouvernemental pour établir une convention sur la dette similaire à la convention fiscale qui est actuellement en cours de négociation. Selon les explications de Jason R. Braganza, ce cadre vise à une refonte complète de l’architecture de la dette, y compris le processus de restructuration de la dette dans le cadre commun du G20, qui est davantage dirigé par les créanciers et centré sur les créanciers, vers un modèle plus axé sur les personnes, équitable et juste ; mais aussi basé sur des règles et cherchant à impliquer tous les créanciers et emprunteurs dans les négociations sur des termes équitables.
« Dans le premier projet de document de résultat du processus de financement pour le développement en cours, il y a déjà un appel à ce processus intergouvernemental. Nous avons vu des pays du Groupe africain, faisant partie du G77, appeler à l’adoption ou à l’accord sur ce processus intergouvernemental. Malgré des voix dissidentes de pays comme les États-Unis et certains pays de l’UE, il y a une dynamique claire pour cette approche. Cependant, nous devons exercer plus de pression sur nos gouvernements africains pour qu’ils reconnaissent la nécessité de cette mise en place lors de la FfD4 », a-t-il précisé.
Et d’ajouter, en ce qui concerne les obstacles, « les mêmes pays ou institutions qui posent des problèmes dans l’architecture actuelle sont ceux avec lesquels nous devons nous engager pour provoquer le changement. En tant que société civile, nous devons continuer à faire pression pour garantir des progrès ».
La Conférence africaine sur la dette est sans aucun doute un appelle à une coopération internationale responsable ; Car, a-t-elle mis en avant la nécessité de mettre en place des institutions africaines fortes, de réformes structurelles profondes et de meilleures capacités à mobiliser les ressources internes. Dans un contexte critique, les recommandations de la conférence de Lomé revendiquent un « front uni » africain face aux créanciers, une refonte de l’architecture financière internationale plus équitable vis-à-vis de l’Afrique.
Félicienne HOUESSOU
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