L’augmentation de la dette publique et le coût élevé du service de la dette mettent l’Afrique dans un profil d’endettement croissant qui suscite des inquiétudes sur la viabilité. Face à cette crise de la dette sur un continent en proie à la crise du coût de la vie, les féministes panafricaines ne comptent pas rester sans voix. La représentativité des femmes dans la prise des décisions politiques et économiques en matière des dettes publiques et la justice sociale ont été recommandées le mercredi 26 mars 2025, à Johannesburg, à l’occasion du lancement de la 5ème édition de « l’initiative média » du « Manifeste de Moputo ».
La crise de la dette en Afrique n’est plus qu’une simple crise économique ; il s’agit d’une préoccupation féministe profonde, qui met en évidence l’intersectionnalité de la dette et du genre. Cette crise exerce une emprise oppressive sur les économies africaines, aggravant les inégalités et affectant de manière disproportionnée les femmes et les filles en Afrique.

La 4e Conférence africaine sur la dette et le développement (AfCoDD IV), tenue en août 2024 à Maputo s’est donc penchée sur l’urgence d’une réponse collective et transformatrice : Manifeste de Maputo, un engagement à adopter un point de vue féministe sur la dette et le développement, en reconnaissant que la lutte contre la dette est intrinsèquement liée à la lutte pour l’égalité des sexes et la justice sociale. En effet, l’agenda féministe de la dette déconstruit la pensée macroéconomique conventionnelle, propose des principes féministes pour aborder le dilemme de la dette et du développement, et brise les asymétries de pouvoir.

Quelques recommandations du ‘’Manifeste de Maputo’’
Le manifeste de Moputo met un accent sur l’avenir de l’Afrique à travers une perspective féministe de la dette publique et du développement. Il propose un changement radical dans la manière dont la dette et le développement sont abordés en Afrique. En adoptant un modèle économique féministe, cet engagement veut donner la priorité à la justice sociale, à l’équité et au bien-être de tous les citoyens.
A travers le « Manifeste de Moputo », émergent de nouvelles stratégies différentes de celles longtemps tenues sur la modélisation macroéconomique. Ainsi, pour construire une nouvelle architecture financière autre que la dette et les finances mondiales fracturées, les recommandations et politiques stratégiques suivantes ont été mises en exergue :
Investir dans le leadership féminin et veiller à ce que les histoires et les contributions des femmes soient reconnues et préservées ;
Accroître la représentation des femmes dans la prise de décision politique et économique, en particulier dans les négociations sur la dette et les politiques de développement. Reconnaître que la représentation seule est insuffisante ; donner la priorité à l’inclusion des femmes ayant des valeurs féministes dans les postes de direction ;
Promouvoir des systèmes électoraux inclusifs en encourageant les partis politiques à faire preuve d’un engagement significatif en faveur de la représentation des femmes et en élevant cette responsabilité au niveau des électeurs, qui devraient exiger de leurs partis qu’ils présentent des candidats ;
Réformer les systèmes fiscaux pour créer des politiques plus justes et plus équitables qui s’attaquent aux inégalités entre les sexes et favorisent la justice sociale ;
Promouvoir des économies de soins en développant des cadres économiques qui s’attaquent aux inégalités structurelles et garantissent aux femmes un accès équitable aux ressources, aux opportunités et aux avantages. Cela implique le démantèlement des structures patriarcales et néocoloniales qui perpétuent la discrimination fondée sur le sexe ;
Aller au-delà d’une focalisation étroite sur la seule autonomisation, les investissements dans les marchés du travail et la création d’emplois assortis de solides filets de sécurité sociale ;
Plaider en faveur d’une annulation et d’une restructuration de la dette qui tienne compte de l’impact social et sexospécifique du remboursement de la dette, afin que les nations africaines puissent investir dans la santé, l’éducation et les systèmes de protection sociale ;
Exiger instantanément l’adoption de politiques qui démantèlent les structures patriarcales et néocoloniales, en veillant à ce que les décisions économiques soient prises avec la pleine participation des femmes et des groupes marginalisés. Cela implique de remettre en question le paradigme économique dominant qui favorise le profit au détriment des personnes et de la planète et de plaider pour des modèles alternatifs qui donnent la priorité à la justice sociale et environnementale ;
Soutenir la mise en place d’institutions régionales solides capables d’assurer l’indépendance financière de l’Afrique et de garantir la transparence, la responsabilité et l’inclusion dans toutes les politiques économiques.
Il est également question de privilégier les profits au détriment des populations voire indirectement des femmes africaines touchées de manière disproportionnée.






Un engagement fort en faveur de l’égalité des genres
Les alternatives féministes panafricaines constituent un engagement commun visant à adopter une approche féministe sur la dette et le développement. Sans aucun doute, la nécessité de s’attaquer au déficit en matière d’impact distributionnel des propositions alternatives sur la crise de la dette et les stratégies à mettre en œuvre pour déconstruire l’enracinement des modèles économiques extractifs coloniaux qui perpétuent la soumission des femmes africaines.
Cet engagement sur la dette et la justice économique est scinder en plusieurs axes : L’engagement à créer et à promouvoir des théories et des discours féministes africains qui reflètent les diverses réalités du continent ; le démantèlement des structures et des influences coloniales dans les sphères économiques, culturelles et politiques ; l’engagement à préserver et à apprendre l’histoire de l’Afrique, veillant à ce que les générations futures aient connaissance des réalisations et des luttes passées ; la résistance aux pratiques économiques d’exploitation donnant la priorité au bien-être de tous les citoyens ; pour ne citer que ceux-là.

Ce manifeste est un appel à toutes les parties prenantes, les citoyens africains, les dirigeants gouvernementaux, la société civile et les organisations internationales, à s’unir dans un engagement commun pour transformer la crise de la dette en une opportunité de faire progresser l’égalité des sexes et le développement durable. Ces derniers sont invités à approuver et à signer ce manifeste dans un délai de trois mois, afin de consolider la détermination collective à reconquérir l’avenir de l’Afrique et à faire en sorte que le continent devienne un faiseur de règles plutôt qu’un preneur de règles dans le système financier mondial.
La féministe Khanysile Tshabalala Litchfield du Réseau des parlementaires africains, appelle les femmes à l’audace et à l’engagement pour le combat de la dette publique. « Que vive longtemps le protocole de Maputo ! Fini la misogynie en Afrique ! Fini le patriarcat ! Fini l’abus des jeunes filles ! Fini cette réalité ou les journalistes ne reportent pas sur les violences basées sur le genre !… On va éviter le système économique ou les hommes sont privilégiés », a-t-elle déclaré pendant la cérémonie de lancement du « Manifeste de Moputo » en marge des travaux de AFROMEDI V à Johannesburg.

Félicienne HOUESSOU
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