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Prof Zacharie Sohou, océanographe : En plus de l’oxygène, l’océan pourrait être une source d’énergies thermiques au Bénin

Les Nations unies ont proclamé une Décennie de l’océanologie au service du développement durable (2021-2030) afin de soutenir les efforts visant à inverser le cycle de déclin de la santé des océans et à rassembler les parties prenantes du monde entier derrière un cadre commun qui garantira que l’océanologie peut pleinement aider les pays à créer de meilleures conditions pour le développement durable de l’océan. Dans ce cadre, l’Institut de Recherches Halieutiques et Océanologiques du Bénin (IRHOB) a organisé un atelier le jeudi 04 janvier 2024 pour mobiliser les femmes des médias autour du programme Global Monitoring Environnent for Security and Africa (GMES & Africa) à travers le projet « Marine and Coastal Areas Management in North and West Africa (MarCNoWA) ». A l’occasion, l’océanographe, pêcheur biologiste et Directeur de l’IRHOB, Zacharie Sohou s’est prononcé sur les enjeux de l’observation de la terre.

En quoi la pollution de l’océan peut impacter la vie des populations ?

50% de l’oxygène que nous respirons provient de l’océan. Si nous polluons la mer avec les hydrocarbures (composés organiques constitués exclusivement d’atomes de carbone et d’hydrogène), il y aura beaucoup plus de CO2 (gaz carbonique) qui sera absorbé par l’océan. En conséquence, il y aura moins d’oxygène à respirer pour la population. Cela veut dire qu’on se tue nous-même si nous portons atteinte à l’océan. Par rapport aux fruits de mer en général, les sachets que nous jetons sont mangés par les poissons, les tortues et plusieurs espèces marines. Lorsque les espèces marines consomment ces déchets, ils meurent, la mer perd ses ressources et la population a moins de produits de pêche à consommer. Lorsqu’un poisson mature qui peut pondre des œufs meurt, la mer perd des milliers de poissons. D’où un manque de ressource dans l’océan. De plus, nous savons qu’à partir de l’océan, nous pouvons avoir des énergies renouvelables. Les énergies marines sont des énergies propres parce qu’il n’y a pas de fuel à utiliser. Ce sont des énergies marémotrices, des énergies avec gisements thermiques, des énergies osmotiques que nous pouvons avoir à partir de la mer. De nos jours où nous prônons des énergies renouvelables, des énergies propres, nous avons intérêt à prendre soin de la mer.

Est-ce que le Bénin profite de ces énergies marines renouvelables ?

Le Bénin ne profite pas encore des énergies renouvelables produites à partir de l’océan. Toutefois, il y a des travaux scientifiques qui ont été menés pour voir le gisement thermique que nous avons et aussi voir le potentiel pour faire de l’énergie. Un laboratoire de la Faculté des Sciences et Techniques (FAST) qui a travaillé dans le but de voir le gisement dont dispose le Bénin. Egalement, le Centre béninois de la recherche scientifique et de l’innovation (CBRSI) avait travaillé sur ces gisements pour voir le potentiel solaire dont dispose le pays. Egalement, des Chinois étaient venus travailler sur ces énergies marines. Tout ceci constitue des études en cours pour mieux profiter de la mer.

Dans le rang des partenaires et du gouvernement, il y a eu plusieurs actions et réformes en vue de protéger la mer et ses ressources. Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que la situation est satisfaisante ou bien le Bénin doit toujours craindre le pire ?

On ne peut jamais se satisfaire de ce qu’on fait. Même les pays occidentaux ne sont pas encore satisfaits. C’est pourquoi il y a aujourd’hui une initiative des nations unies qui est la décennie des océans 2021-2030. Nous devons maintenir la veille. Si nous laissons un instant, ça veut dire qu’il y aura péril en la matière. C’est pourquoi depuis 2011, l’IRHOB a commencé par faire le suivi de l’érosion côtière jusqu’aujourd’hui pour voir le comportement des différents segments de côte afin d’alerter sur un endroit précis à un instant T. Par exemple, nous avons fait l’évaluation des épis qui ont été implantés pour voir quel est l’impact de ce qui avait été fait. Il est bien vrai qu’après le dernier épi, nous avons constaté une érosion très poussée. Mais c’est tout à fait normal parce qu’on ne fait que reporter le problème lorsqu’on protège les océans par des infrastructures durent que constituent les brises larmes et les épis.

Quelle est l’importance de l’approche genre dans la protection de l’océan ?

Les femmes constituent une force dans la protection des océans. Si je prends l’aspect de la production halieutique, les hommes vont pêcher, mais la transformation est réservée à la femme. S’il n’y a pas de transformatrices, cela veut dire que la filière est morte. Par rapport aux différents phénomènes, les femmes interviennent pour une meilleure suivie. Sur le plan de la formation, il y a moins de femmes dans les sciences océanique. Aujourd’hui, les hommes seuls ne peuvent rien faire. Il faut davantage impliquer les femmes pour toutes les actions en direction de l’océan.

Est-ce que l’IRHOB travaille avec ces femmes ?

L’IRHOB travaille avec ces femmes. Cependant, nous ne sommes pas encore assez avancés. Nous travaillons souvent avec les femmes journalistes de façon vraiment isolée. C’est-à-dire que nous restons disponibles pour leur fournir les informations dont elles ont besoin si elles s’adressent à nous dans le cadre de leur production. Nous sommes disponibles pour donner l’information nécessaire. Si l’information ne circule pas, les gens ne seront pas avertis sur les actions individuelles et sectorielles à mener pour préserver l’océan. Il faut vraiment communiquer pour que les populations comprennent comment il faut préserver l’océan. A l’issue de l’atelier, les femmes ont adhéré pleinement à notre objectif de coacher plus de population pour pouvoir vraiment leur faire connaître ce qu’est l’océan ; quel est le rôle que l’océan joue dans la vie, dans notre économie et l’écosystème en général.

L’année dernière, nous avons eu à faire la journée du 8 mars avec les femmes Ostréicultrices, qui font la collecte des huîtres. Il s’agit des femmes des villages Ahouandji, Degue et Dodji de Porto-Novo, capital du Bénin. Nous les avons rassemblées pour leur parler de la préservation de l’océan. Nous ne pouvons pas parler de la préservation de l’océan aujourd’hui sans parler de la zone côtière qui est constituée des mangroves et autres. Ces zones impactent l’océan. Nous avons amené ces femmes à comprendre comment elles peuvent préserver l’océan dans l’exercice de leur métier. L’objectif, c’est de protéger les mangroves.

Un appel à l’endroit de tous ceux qui sont impliqués dans le combat océanographique

Mon combat, c’est d’abord que nous, qui sommes informés, puissions adopter un comportement citoyen pour ne pas polluer la mer. Même si nous sommes au Nord du Bénin, dans la ville Malanville, nous pouvons être un pollueur de l’océan. Tous les déchets que nous jetons et qui se retrouvent au niveau du fleuve Ouémé, passent par le chenal pour rentrer dans l’océan. Nous devons tous adopter un comportement citoyen. C’est le message que la presse doit véhiculer auprès des populations pour dire que la préservation de l’océan, c’est l’affaire de tous. Nous devons tous contribuer afin d’avoir un océan propre, un environnement sain, une population saine.

Encadré

L’humanité est prise en proie par les catastrophes naturelles inédites causées par le changement climatique avec ses corollaires et conséquences dévastatrices. Les conséquences des actions néfastes de l’homme sont marquées par la dégradation de la biodiversité, la désertification, l’érosion des sols, les inégalités géospatiales et géographiques. Ainsi, les changements climatiques menacent lourdement la santé des océans. Charlotte de Fontaubert, experte mondiale de l’économie bleue à la Banque mondiale indique que les dérèglements du climat déséquilibrent les océans, notamment par la hausse des températures, l’élévation du niveau de la mer et l’acidification. La modification des courants marins menace également le recrutement des ressources halieutiques.

A l’initiative de l’UNESCO, la Décennie en faveur de l’océan offrira aux nations une occasion unique de travailler ensemble pour alimenter la science océanique mondiale nécessaire pour soutenir le développement durable de cet espace commun. Ainsi, le Bénin, à travers plusieurs programmes et projets, mène des actions de renforcement de la ressource humaine et de protection des aires marines.

Selon Dr Christian ADJE, Chercheur océanographe, la protection des aires marines permet entre autres, la restauration des espèces et des stocks en péril ; l’augmentation de la biomasse à l’intérieur et à l’extérieur de l’Aire marine protégée (AMP) ; l’amélioration de la pêche donc du revenu des pêcheurs ; l’amélioration du potentiel reproducteur des stocks halieutiques ; le renforcement de la capacité des écosystèmes marins à résister à d’autres perturbations et la sécurité alimentaire à travers la disponibilité des poissons et des autres fruits de mer.

Réalisée par Félicienne HOUESSOU

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