Portant atteinte au bien-être des individus, des familles et des communautés, la corruption entrave le développement économique, politique et social du Bénin. Malgré les actions engagées par le président Patrice Talon depuis son accession au pouvoir, l’évolution du pays dans la lutte contre la corruption reste timide.
Félicienne HOUESSOU
Des efforts sont faits, mais les résultats laissent à désirer. L’arsenal juridique du Bénin est renforcé et on note un engagement du chef de l’Etat à lutter contre le fléau de la corruption. Toujours est-il que les pilleurs de deniers publics continuent de commettre leur forfait, surtout dans les marchés publics, lors des recrutements, pour ne citer que ceux-là. Lorsqu’on regarde la carte établie par Transparency International dans son indice de perception de la corruption, édition 2021,le Bénin est encore loin de la moyenne requise pour se compter parmi les pays qui font des efforts louables dans la lutte contre la corruption. En 5 ans, le pays n’a évolué que de 3 points, le score passant de 39 points en 2017 à 42 points en 2021. En 2018, le score du pays passe à 40 points, puis s’établit à 41 points en 2019. La lutte contre la corruption n’a pas connu d’amélioration entre 2019 et 2020, selon les experts de Transparency International. Et pourtant, au fil des années, le gouvernement renforce sa stratégie visant à̀ promouvoir des réformes administratives et institutionnelles et à garantir la transparence dans la gestion des biens publics. Comme institutions de lutte contre le fléau de la corruption, l’Autorité́ Nationale de Lutte contre la Corruption qui sera remplacée par le Haut-commissariat à la prévention de la corruption, l’Autorité́ Nationale de Régulation des Marchés Publics, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) instituée par la loi numéro 2018-13 du 02 Juillet 2018 portant organisation judiciaire en République du Bénin. En effet, la lutte contre la corruption au Bénin a commencé avec l’application des mesures politiques inspirées des institutions de Bretton Wood, et les nouveaux concepts de gouvernance, transparence, redevance et intégrité ; puis, l’arsenal juridique qui s’est progressivement mis en place. Ces efforts continus hissent le Bénin dans le top 5 des pays les moins corrompus de l’Afrique de l’ouest avec une avancée d’un point par rapport à l’année 2020. Cependant, malgré́ l’évolution du cadre juridique et une vigilance accrue de la société́ civile et des médias, la corruption demeure au cœur des débats nationaux. Les résultats de la plus récente enquête d’Afrobarometer au Bénin indiquent que, pour une grande majorité́ des citoyens, le niveau de corruption dans le pays a diminué mais, sur plusieurs indicateurs, beaucoup de Béninois perçoivent leurs dirigeants comme corrompus et craignent des représailles s’ils signalent des actes de corruption.
Un nouvel outil contre la mauvaise gouvernance
Au terme du Conseil des ministres du mercredi 19 janvier 2022, le gouvernement a donné au citoyen lambda, le pouvoir de dénoncer des faits de corruption remarqués au niveau de tout agent public, quel que soit son niveau de responsabilité. Il s’agit de la Cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations (Cpd) installée à la présidence de la République pour tout acte ou fait pouvant nuire à l’intérêt général. Les principales attributions de la Cellule sont : analyser les plaintes et dénonciations ainsi que les éléments de preuve fournis par les plaignants ou dénonciateurs ; inciter les citoyens à surveiller la reddition des comptes par les personnes investies d’une parcelle de responsabilité ; mettre en place un mécanisme renforcé d’investigation sur les cas présumés de corruption ; proposer les modalités de poursuite pour chaque cas ; renseigner sur les suites données aux plaintes et dénonciations avérées. Bien qu’apprécié, ce nouveau dispositif fait déjà polémique. Des questionnements se soulèvent au sein de la population. A titre d’exemple, pour un tel dispositif censé renforcer la participation citoyenne au contrôle de la gestion des affaires publiques, la présidence de la République serait-elle le lieu idéal d’installation ? Cette question se pose quand on sait combien l’accès à la présidence est sujet à des formalités procédurales. Il est clair que l’accès à la Cpd est d’office réduit à une poignée de Béninois si c’est la présidence qui doit abriter son siège. Vivement, que nul ne se retrouve au-dessus de ce dispositif supposé enrayer les faits de corruption et de mauvaise gouvernance. Rappelons que, la complaisance dans la lutte contre la corruption exacerbe les atteintes aux droits de l’homme et sape la démocratie, ce qui débouche sur une spirale infernale. Au fur et à mesure que les droits et les libertés s’amenuisent et que la démocratie s’affaiblit, l’autoritarisme s’installe, entraînant des niveaux de corruption encore plus élevés, indiquait Transparency International dans son rapport.Et, d’un point de vue continental, l’Ong laisse entendre que la corruption occasionne le pillage de précieuses ressources naturelles et entrave l’accès aux services publics pour des millions de personnes. L’Ong note également, que « pour garder la corruption hors de vue du public, les gouvernements de la région ont limité les informations et réprimé les voix indépendantes dénonçant les abus de pouvoir ». Il faut souligner que la corruption représente un obstacle majeur à la croissance économique, à la bonne gouvernance et aux libertés fondamentales, comme la liberté d’expression ou le droit des citoyens à demander des comptes à leur gouvernement.