Pris au piège par la crise de la dette et la suspension de plusieurs programmes par l’administration Trump, les pays africains veulent désormais mettre en place un arrangement entièrement nouveau. Ainsi, la reconstitution du Fonds africain de développement (FAD) se révèle comme une solution dirigée par les Africains pour éviter une dépendance excessive au financement privé.
La dette extérieure a explosé ces dernières années, à des niveaux alarmants, et affectant la capacité des pays à investir dans le développement et les services sociaux. De plus, les pays en développement ont du mal à accéder aux financements privés, en raison de la perception de risque plus élevée et du manque de garanties.
Les réunions de la Banque africaine de développement (BAD) tenues à Abidjan, Côte d’Ivoire se sont penchées sur la situation. Pour avoir participé activement à ces réunions, le Forum et réseau africain sur la dette et le développement (AFRODAD) a organisé un point de presse présidé par son directeur exécutif, Jason Braganza. Selon lui, l’Afrique doit faire face à des défis liés à la dette et aux ressources que les pays africains perdent par le biais du service de la dette et qui compromet, les progrès devant être réalisés dans les investissements en éducation et en santé.
Les défis actuels soulèvent également des préoccupations considérables concernant l’accès au financement des créanciers privés, qui vient souvent avec de taux d’intérêt élevés, aggravant ainsi la situation de la dette des pays africains. Cependant, explique Jason R. Braganza, la dépendance des pays africains vis-à-vis du financement privé a exacerbé les taux actuels d’endettement et entravé les efforts visant à reconstituer le Fonds africain de développement (FAD). Il est donc crucial que la recherche d’alternatives inclue le processus de financement du développement. D’où la reconstitution du Fonds africain de développement a été proposée lors du dialogue présidentiel, comme une solution dirigée par les Africains pour éviter une dépendance excessive au financement privé.

Le FAD, le levier de l’autonomie financière en Afrique
La nouvelle donne c’est de faire en sorte que le capital de l’Afrique fonctionne mieux pour le développement de l’Afrique. Ainsi, le rapprochement du bras de prêt concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement, connu sous le nom de Fonds africain de développement est en cours de négociation. Le FAD, qui fournit des financements concessionnels et une assistance technique aux pays africains, pourrait jouer un rôle crucial dans le développement économique et social. Son renforcement permettra de mieux soutenir les projets de développement, d’accroître la résilience des pays face aux chocs, et de favoriser une croissance inclusive et durable en Afrique. En renforçant le FAD et en réduisant la dépendance excessive au financement privé, l’Afrique pourra bénéficier de financements plus durables, plus stables et plus adaptés à ses besoins de développement, tout en promouvant une croissance inclusive et durable pour tous.
Mais, pour le directeur exécutif de l’AFRODAD, il existe des préoccupations significatives selon lesquelles des pays comme les États-Unis et ceux de l’Union européenne pourraient ne pas contribuer autant qu’ils l’ont fait par le passé. « Nous avons entendu des rapports faisant état de coupes significatives dans l’Aide publique au développement (APD) à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Une des principales questions soulevées par cette situation est l’impact potentiel sur l’aspect des prêts concessionnels de la Banque africaine de développement. La banque pourrait chercher à mobiliser davantage de capitaux privés sur les marchés financiers internationaux pour développer son portefeuille, ce qui présente des risques pour le continent, surtout alors que de nombreux pays sont confrontés à d’importants défis en matière de dette », a-t-il indiqué.
Sur une note plus positive, Jason R. Braganza souligne qu’avec la réduction du soutien externe pour le FAD, il existe une opportunité pour les pays africains de prendre en charge le processus de rapprochement.
En 2024, le Kenya s’est engagé à verser le montant le plus élevé de 20 millions USD. D’autres pays africains suivent lentement cet exemple, y compris le Bénin, qui a promis 2 millions USD. Le Ghana a augmenté son engagement à 5 millions USD, tandis que le Soudan, le Libéria et la Sierra Leone ont chacun promis 3 millions USD, et la Gambie a promis 2 millions USD. Cette croissance a élargi le nombre de pays africains contributeurs de 8 à 13. « Cela montre une prise de conscience de la part des pays africains que le FAD a le potentiel de mobiliser le capital nécessaire, ce qui a été la principale préoccupation pour la fiducie du Fonds, notamment en ce qui concerne la mobilisation de capital à l’intérieur et pour l’Afrique », précise Jason R. Braganza.
La signification de l’augmentation des contributions des pays africains est qu’elle augmentera leur part de vote au sein de du FAD. A en croire Jason R. Braganza, si davantage de pays africains peuvent contribuer de manière significative à ce fonds, le pouvoir de décision concernant l’utilisation des ressources sera entre les mains des États membres africains, ce qui est crucial. Bien que des contributions réduites puissent avoir des implications négatives, cette situation présente également une opportunité pour une plus grande autodétermination du continent. Cela s’inscrit dans l’appel à des réformes et à l’Afrique prenant les rênes en étant des décideurs dans les processus décisionnels.
L’engagement de la société civile
La société civile et les journalistes doivent davantage souligner le rôle des pays africains dans l’augmentation ou la stimulation de leurs contributions au FAD, surtout dans le contexte actuel où les principaux contributeurs traditionnels au Fonds, en particulier les cinq premiers pays du Nord global, dont les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni, sont susceptibles de réduire leurs contributions en tant que donateurs. « Nous devrions soutenir des initiatives comme le FAD et ce qu’il peut apporter. C’est une opportunité pour les journalistes de faire passer ce message, mais aussi d’encourager la Banque africaine de développement elle-même à augmenter ses contributions au Fonds, car traditionnellement, elle n’a pas été un contributeur principal », a indiqué Jason R. Braganza. Actuellement, la Banque contribue à hauteur d’environ 1 %, il y a donc une opportunité pour elle de montrer son soutien.
La Banque a lancé un plan stratégique pour l’engagement de la société civile, qui inclut la réforme de l’architecture financière mondiale. De plus, la Banque prévoit de publier un rapport plus tard en octobre, compilant les perspectives de la société civile sur ce à quoi pourraient ressembler ces réformes d’un point de vue africain. Cela démontre selon Jason R. Braganza, l’engagement de la Banque à adopter certaines des recommandations de la société civile.
Félicienne HOUESSOU
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