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Dégradation des écosystèmes : A Ganvié, la filière crevette bat de l’aile face aux défis

Les ressources en eau douce disponible se réduisent et leur qualité se détériore en raison du réchauffement climatique. Dans la foulée, la filière crevette subit un grand choc à Ganvié (cité lacustre du sud du Bénin, située sur le lac Nokoué), laissant les pêcheurs dans le désarroi.

Le débit de 2,9 % des fleuves et des rivières connaît une baisse « significative » dans 402 bassins-versants, selon les données correspondant à la période 2017-2021. Ainsi, l’état de dégradation des écosystèmes aquatiques devient de plus en plus inquiétant.

Bien loin le temps ou le lac Nokoué était généreuse. Dans la commune de Sô-ava, plus précisément à Ganvié, Yvette Ayina, mareyeuses et transformatrices de crevettes indique qu’il devient de plus en plus difficile d’avoir de crevette sur son étalage. « Avant on avait tellement de crevette à vendre. Aujourd’hui, on souffre pour avoir des miettes. On ne trouve plus beaucoup de crevettes. De plus, les crevettes sont de plus en plus petites. Comme c’est ce qui nous permet de nourrir notre famille, on le fait mais ce n’est plus rentable.  Des fois, on doit attendre une semaine pour remplir nos paniers alors qu’avant ce n’était pas si compliqué », affirme-t-elle.

Sa collègue Lorette Tonou indique que sa mère s’est enrichit avec le business de crevette ; ce qui l’a inspiré à s’y lancer. « On dirait que nous sommes nées avec la malchance. Les crevettes qu’on trouve aujourd’hui sont en petite quantité et en petite taille. Alors qu’il y a quelques années, une bassine de crevette ne valait pas grande chose », confirme Lorette Tonou.

Dégradation des écosystèmes : A Ganvié, la filière crevette bat de l’aile face aux défis

Les pêcheurs sur le lac semblent connaitre les causes. « Si vous allez sur le lac le matin, vous pouvez faire toute une journée sans trouver de crevette. La nature change, le lac change et nous ne maitrisons plus rien. Mais étant des hommes, nous ne pouvons rentrer les bras vides. Donc on est obligé de tout tenter pour pêcher même les plus petites crevettes. On peut par exemple utiliser des petits filets capable d’amener le dernier des fretins et crevettes».

Gilles Kome, pêcheur de la soixantaine confirme qu’aujourd’hui, la crevette fait partie des ingrédients de luxe. « Avant quand j’étais jeune, on ne se gênait pas pour avoir de crevette et de très grosses en plus. Aujourd’hui, nous avons même innové à retravailler l’engin de pêche (degonAdja). Malgré cela, tu peux faire toute une journée sans avoir une seule crevette », révèle-t-il. 

« De plus en plus, l’espèce est rare et les spécimens sont petits. Une situation difficile à vivre parce que la crevette n’est pas seulement une activité génératrice de revenue pour nous. La crevette permet à la population pauvre que nous sommes d’équilibrer notre alimentation. Avant les crevettes couraient pour remplir le degonAdja, après quelques heures de pose. Aujourd’hui, il arrive qu’on ne pêche rien. Parfois, une seule crevette », témoigne Marcos Atanou, un ancien pêcheur, qui a dû se reconvertir en conducteur de barque pour nourrir sa famille.

Des initiatives pour relever la pente

Pour mettre fin aux pratiques non conventionnelles de la pêche, les autorités ont dû déployer des moyens conséquents pour lutter contre la pêche illicite. Toutefois, le constat est que des pêcheurs trouvent le moyen de contourner les mesures mises en place.

Le bureau inter africains des ressources animales de l’Union africaine (UA-BIRA) appuyé par la Banque mondiale et l’USAID est chargé d’apporter des solutions à la taille de la menace. Ainsi, des stratégies ont été définies depuis 2014 par l’ensemble des États africains. Il s’agit notamment de la lutte contre la pêche illicite par la surveillance accrue des eaux, la fixation des contacts de pêche, la professionnalisation de la pêche artisanale et le développement de l’aquaculture pour accélérer la mise en œuvre de ces mécanismes.

Au titre de ses travaux dans le cadre de ‘’Capacities for Biodiversity and Sustainable Development’’ (CEBioS), le chercheur GOZINGAN Sylvain a indiqué qu’il est crucial d’établir une discipline de pêche avec un contrôle adéquat afin d’assurer une pêche responsable. Sa thèse la mise en place du modèle hydrodynamique « COHERENS », dans le but de stimuler la distribution des crevettes dans le complexe lac Nokoué Océan révèle qu’il faudra d’une part instituer un changement de comportement au sein des pêcheurs afin d’atteindre une pêche durable et saine; mais, d’autre part, développer des projets d’aquaculture pour orienter les pêcheurs et permettre aux crevettes de se reproduire.

Les défis ne sont pas des moindre…

Sur les quelque huit millions d’espèces animales et végétales estimées sur Terre, un million sont désormais menacées d’extinction. C’est le constat dressé par l’IPBES dans un rapport publié en mai 2019. Une conclusion qui fait état d’un déclin global sans précédent de la biodiversité à travers le monde. Mais la biodiversité ne fait pas que diminuer. Elle connait aussi de nets changements dans sa distribution. Des modifications favorisées par les activités humaines, de même que par le changement climatique. C’est ce que confirme une étude publiée cette semaine dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Il est donc opportun de développer des initiatives pour booster le secteur de l’aquaculture. A ce titre, la crevetticulture se trouve être bien porteur. Cependant, l’éleveur de crevettes devra relever le défi de la formation. Les modèle de technique déjà mise au point pour la crevetticulture sont rare dans la sous-région parce que ce n’est pas un élevage courant. Le secteur a donc besoin d’innovations.  Un autre défi majeur est la salinité de l’eau ; Le sel a un impact dans la crevetticulture. L’élevage nécessitent de l’eau salée mais à un degré bien défini parce que l’eau trop salée à un impact sur le poids et la taille des crevettes. Les crevettes ne se développent plus quand l’eau est excessivement salée donc le maintien de l’eau à une salinité acceptable est une bataille perpétuelle pour le crevetticulture. L’autre défi qui n’est pas des moindres c’est la température de l’eau. Les crevettes sont élevées à une température de l’eau située entre 20 et 24 degrés. De plus, la monoculture industrielle est très sensible aux maladies. Les maladies de la crevette sont l’un des risques majeurs auxquels est exposée la crevetticulture dans le monde. Il n’existe pas d’information à caractère définitif sur l’état exact des maladies de la crevette dans les eaux ouest-africaines, mais il semble très probable que la région soit, jusqu’à présent, exempte des pathologies connues affectant les crevettes, la plus létale étant la maladie virale des points blancs. L’absence de maladie grave de la crevette à Madagascar, par exemple, est l’un des principaux facteurs à l’origine de la réussite de ce grand producteur crevettier en Afrique. Le fait que la région ouest-africaine soit épargnée par la maladie représente donc un atout de poids en faveur du développement d’une crevetticulture régionale. Il est donc essentiel de préserver la région de toutes les grandes maladies de la crevette.

La filière est également confrontée à un manque de produit pour l’alimentation des crevettes. Il s’agit des aliments protéinés qui vont favoriser leur reproduction. Toutefois les aliments doivent être adaptés mais aussi en quantité car il faut nourrir les crevettes deux à quatre fois par jour. Notons que la crevette est le deuxième produit de la mer en valeur au monde, devant le thon et juste après le saumon, selon le rapport du WWF.

Félicienne HOUESSOU

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